Enjeux du café : changements climatiques et agriculture régénératrice

Récemment, nous avons eu la plaisir de rencontrer Arnaud Causse, agronome et caféiculteur en Equateur.  Ce pionnier en matière de Caféiculture, animait une conférence autour de « l’Agriculture Régénérative » et des défis à venir liés aux changements climatiques. Ce fut l’occasion aussi pour nous de retrouver la communauté de torréfacteurs lyonnais.

Originaire de l’Aveyron, Arnaud Causse est un passionné. Il n’a pas peur d’aller à contre-courant, de sortir des sentiers battus et d’expérimenter de nouvelles démarches d’agriculture, plus qualitative, vertueuse, bienveillante et profitable à l’homme comme à la nature. Ses fermes sont devenues des modèles du genre en matière d’agriculture régénérative.

Il est propriétaire en Equateur de la ferme « Las Tolas Estate » (implantée au milieu d’une forêt naturelle) et de la ferme « Las Terrazas Del Pisque » (implantée au milieu d’un désert rocheux). Il dirige également un regroupement de Caféiculteurs nommé « Altos Coffee » dont le but est de proposé une gamme de café de spécialité couvrant l’ensemble des différents microclimats de l’Equateur.

Située à une altitude de 1700 mètres, la ferme « Las Tolas Estate » se trouve dans la forêt tropicale Andean Choco, dans un « Trou de Nuage » quelque part entre la forêt de nuage et la forêt humide. Elle dispose de 2500 mm de précipitation annuelle et d’un bel ensoleillement. Arnaud Causse y cultive des variétés originaires du Salvador comme le Bourbon, le Pacamara, le Caturra, le Pacas, le Java et l’hybride de Las Tolas, mutation équatorienne de son propre Bourbon. Ce terroir ombragé offre en tasse des cafés avec une vive acidité, un corps riche et des arômes floraux complexes.

Sa deuxième ferme « Las Terrazas Del Pisque » est localisée à quelques mètres de la capitale Quito, sur les montagnes arides, entre 1800 et 3200 mètres (terroir idéal pour réaliser un café complexe). A l’inverse de « Las Tolas », celle-ci se situe dans un milieu montagneux désertique et n’a que 500 mm de pluie annuelle. Les variétés cultivées sont le Typica, le Bourbon, le Java, le Yellow Caturra, le Pacamara et le Maragogype. Au sein de cette ferme Arnaud Causse a créé une forêt protectrice pour pouvoir y cultiver des caféiers mais aussi des fruits, des légumes et des plantes aromatiques. Une vraie volonté de donner une place importante « au vivant ».

Son agriculture ce veut générative et syntropique. Cette approche se base sur une diversité et une synergie des cultures et le fonctionnement des écosystèmes naturels. Le but est d’utiliser seulement les ressources internes de son exploitation, libéré de toutes sollicitations extérieures. Elle vise aussi à créer un système de cultures dense et complexe pour aboutir à un équilibre entre les plantes et ainsi obtenir des récoltes abondantes. L’idée est de remettre les Caféiers dans les conditions de lumière et de fertilité qu’ils auraient eue dans leur milieu naturel pour renforcer leur résistance aux maladies et aléas climatiques.

Carte Equateur

L’AGRICULTURE REGENERATIVE, UN MODELE A DEVELOPPER

Tout part d’un constat flagrant ! Premièrement, l’agriculture actuelle est la source d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ensuite on constate que 55 % des caféiculteurs ont plus de 50 ans et que la plupart des jeunes délaissent les exploitations caféières familiales pour aller en ville trouver un travail moins difficiles, loin de la paupérisation. Ajouter à cela le réchauffement et les aléas climatiques, il est plus qu’urgent d’agir pour la préservation et l’améliorer de la culture du café et pour l’augmentation de l’attractivité de ce métier aussi passionnant que complexe.

L’agriculture régénérative apporte une réponse et doit permettre d’améliorer la qualité des cafés et d’assurer des revenus viables pour le producteur tout en étant valorisant auprès de la société. Cette méthode s’oppose donc à l’agriculture dite « intensive » et offre des solutions aux défis majeurs de notre siècle. Il n’y a pas de cahier des charges officiel, seulement des principes de bases. Elle réunit un ensemble de pratiques agricoles dont l’objectif premier est de renforcer naturellement la qualité des sols ou de restaurer la fertilité des sols malades ou épuisés ou encore de rendre cultivable des zones arides. Elle lutte également contre le réchauffement climatique, favorise la préservation du vivant et conserve une bonne qualité de l’eau et de l’air.

Ce type d’agriculture s’appuie largement des traditions paysannes naturelles du monde entier, mais aussi des recherches et innovations modernes en matière d’agriculture durable. Elle ne doit pas s’enfermer dans une pratique unique et généraliste. Il faut laisser places à une pluralité de méthode adaptée aux spécificités de chaque terroir. Cette approche implique d’expérimenter, de mesurer, d’ajuster et d’apprendre de ses erreurs. Là aussi la collaboration et le partage de connaissance entre agriculteur est nécessaire afin de bénéficier du retour d’expérience de chacun.

Il faut 3 à 5 ans pour mettre en place cette agriculture. A terme, elle doit permettre au producteur de vivre décemment de son métier, de bénéficier d’un meilleur partage de la valeur, et d’améliorer ses conditions de travail.

Être agriculteur est un métier complexe qui demande énormément de connaissances. Pour que les producteurs puissent prendre part et progresser dans leurs pratiques quotidiennes, ils doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement et de formations, qu’ils pourront ensuite appliquer au sein de leurs exploitations et transmettre à leur tour. Arnaud Causse est de cela et constitue un acteur majeur et essentiel en la matière.

EXEMPLES DE PRATIQUES EN AGRICULTURE REGENERATIVE

  • Respecter la structure originelle des sols et leur cycle de vie (utilisation de technique adaptée et du non-labour pour conserver l’habitat des organismes vivants, favoriser les populations de micro-organismes et autres vers de terre et préserver les chaînes alimentaire qui les unissent).
  • Couvrir les sols avec de l’enherbement naturel, ou avec des couverts végétaux choisis et semés (en associant diverses plantes, le couvert végétal permet d’aérer les parcelles, de les protéger du soleil, d’accroître la fertilité du sol, de capter d’avantage de carbone, de faciliter l’infiltration de l’eau et d’évite l’érosion et le recours au paillage).
  • Utiliser des engrais verts et du compost naturel d’origine locale (apporte un taux d’humus important pour une fertilité pérenne et une hygrométrie optimale et régulière).
  • Faire de la polyculture de variétés adaptées au terroir et au climat local (mise en place de cultures intermédiaires et intercalaires qui correspondent à la période située entre la récolte principale de café).
  • Pratiquer la parcellisation, l’assolement et la jachère.
  • Utiliser des intrants phytosanitaires organiques naturelles d’origine végétale et biodégradables, si nécessaire et réduit au strict minimum (utilisation de traitement aux huiles essentielles, d’insectes auxiliaires endémique).
  • Associer des espèces complémentaires en équilibre écologique pour lutter contre les ravageurs.
  • Mettre en place des aménagements anti-érosion limitant les glissements de terrain et favorisant le stockage du carbone dans le sol et la rétention d’eau (haies vives coupe-vent, digues filtrantes et micro-barrages pour la gestion des eaux pluviales et l’entretien des nappes phréatiques).
  • Mettre des ruches dans les champs de caféiers (favorise la pollinisation et apporte une nouvelle source de revenue grâce au miel).
  • Elever des poules, vaches ou chèvres. (En Equateur, les poules sont utilisées pour manger les larves et interrompent le cycle de vie d’une mouche qui ravage les cultures. Qu’en aux chèvres, elles aident à maintenir l’enherbement du sol à une hauteur convenable et offrent une source de nourriture et de revenue supplémentaire).
  • Pratiquer l’agroforesterie en associant une production agricole annuelle et des arbres sur la même parcelle (permet d’augmenter la fertilité du sol grâce à leurs racines et feuilles, de lutter contre l’érosion, de mieux gérer les ressources en eau, de favoriser la biodiversité et de permettent de stocker encore plus de carbone sur la parcelle).
  • Utiliser des plantes annuelles, bisannuelles et vivaces qui vont se développer à des rythmes décalés, selon le principe de succession rencontré dans la nature. Tout le système est organisé par strates afin d’optimiser l’utilisation des surfaces, aussi bien horizontalement que verticalement (basse : herbacées ; moyenne : arbustes et buissons ; haute : canopée).
  • Tailler régulièrement les strates supérieures ou les plantes arrivées en fin de cycle pour perturber le système (l’objectif étant de soutenir la dynamique de croissance et d’accélérer la succession végétale).
  • Valoriser les sous-produits et coproduits (Valorisation de la pulpe, coque et parche de la cerise de café, valorisation des feuilles, fleurs et bois de taille du caféier).
  • Optimiser la ressource en eau en limitant l’irrigation et en maximisant le recyclage de l’eau.